Georges Brassens
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la Fessée


Georges Brassens


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Song : F#
Bm Em
La veuve et l'orphelin, quoi de plus émouvant ?
Bm G C#7 F#
Un vieux copain d'école étant mort sans enfants,
Bm G A D F#
Abandonnant au monde une épouse épatante,
Bm Em
J'allai rendre visite à la désespérée.
Bm G C#7 F#
Et puis, ne sachant plus où finir ma soirée,
Bm C#7 F# Bm
Je lui tins compagnie dans la chapelle ardente.

Bm Em
Pour endiguer ses pleurs, pour apaiser ses maux,
Bm G C#7 F#
Je me mis à blaguer, à sortir des bons mots,
Bm G A D F#
Tous les moyens sont bons au médecin de l'âme...
Bm Em
Bientôt, par la vertu de quelques facéties,
Bm G C#7 F#
La veuve se tenait les côtes, Dieu merci !
Bm C#7 F# Bm
Ainsi que des bossus, tous deux nous rigolâmes.

Ma pipe dépassait un peu de mon veston.
Aimable, elle m'encouragea : « Bourrez-la donc,
Qu'aucun impératif moral ne vous arrête,
Si mon pauvre mari détestait le tabac,
Maintenant la fumée ne le dérange pas !
Mais où diantre ai-je mis mon porte-cigarettes ? »

A minuit, d'une voix douce de séraphin,
Elle me demanda si je n'avais pas faim.
« Ça le ferait-il revenir, ajouta-t-elle,
De pousser la piété jusqu'à l'inanition :
Que diriez-vous d'une frugale collation ? »
Et nous fîmes un petit souper aux chandelles.

« Regardez s'il est beau ! Dirait-on point qu'il dort ?
Ce n'est certes pas lui qui me donnerait tort
De noyer mon chagrin dans un flot de champagne. »
Quand nous eûmes vidé le deuxième magnum,
La veuve était émue, nom d'un petit bonhomme !
Et son esprit se mit à battre la campagne...

« Mon Dieu, ce que c'est tout de même que de nous ! »
Soupira-t-elle, en s'asseyant sur mes genoux.
Et puis, ayant collé sa lèvre sur ma lèvre,
« Me voilà rassurée, fit-elle, j'avais peur
Que, sous votre moustache en tablier d' sapeur,
Vous ne cachiez coquettement un bec-de-lièvre... »

Un tablier de sapeur, ma moustache, pensez !
Cette comparaison méritait la fessée.
Retroussant l'insolente avec nulle tendresse,
Conscient d'accomplir, somme toute, un devoir,
Mais en fermant les yeux pour ne pas trop en voir.
Paf ! j'abattis sur elle une main vengeresse !

« Aïe ! vous m'avez fêlé le postérieur en deux ! »
Se plaignit-elle, et je baissai le front, piteux,
Craignant avoir frappé de façon trop brutale.
Mais j'appris, par la suite, et j'en fus bien content,
Que cet état de choses durait depuis longtemps :
Menteuse ! la fêlure était congénitale.

Quand je levai la main pour la deuxième fois,
Le cœur n'y était plus, j'avais perdu la foi,
Surtout qu'elle s'était enquise, la bougresse :
« Avez-vous remarqué que j'avais un beau cul ? »
Et ma main vengeresse est retombée, vaincue !
Et le troisième coup ne fut qu'une caresse...

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